Soliloque (21) : Mon africaine d'Espagne...
-Les noirs ne viennent pas souvent ici.
Tu ne les verras pas, ils ont des coins propres dans la ville où ils ont crée l’ambiance
du continent avec tous les travers ramassés ci et là en Europe. Sa voix imbue
de l’aura du dédain traduisait un dégout certain de ses semblables. Une objurgation,
presqu’un réquisitoire inavoué. Elle se tut l’espace d’un instant et expira
comme si c’était sa dernière bouffée d’air. Un souffle qui avait aussi sonné la
fin de cette triste remarque. Un vent silencieux traversa l’instant où ne s’entendaient
plus que les gouttes de pluie s’abattant sur le rebord de la fenêtre .Elle prit
le menu et me pria de faire pareil. Je n’ai pas aimé ses suggestions qui s’apparentaient
presqu’à des injonctions. Et sur mes lèvres, un sourire aigre s’obstinait à
faire obstruction à ma rage en sédition .Avec une lenteur indicible, entre
insurrection et acceptation, mes doigts agrippèrent le menu pour choisir le plat.
Ses critiques m’avaient exacerbé. Je choisis des frites et de la viande. Le
serveur attentif à mes gestes nota rapidement là où j’avais pointé mon doigt.
-Donc nous qui fréquentons ce lieu, nous
sommes des noirs pas comme les autres, fis je entendre ma voix brisant le
silence qui s’étendait son périmètre entre elle et moi. Elle m’avait entendu
mais elle ne réagit guère .Toute son attention resta focaliser sur le menu. Une
attitude que j’ai toujours détestée : celle de me faire attendre quand je
veux une réponse, un fait valant un privilège de chef sur les subalternes.
A un moment de ma vie, je fus chef et la valeur de cette posture m’était un affront.
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