Soliloque (22)...

Sa cuisine était presque mienne pour cette nuit afin qu’elle goûte aux mets congolais. J'en avais pour une pleine liberté et un plein usage. Que j’en use pour que nous mangions, et qu’elle se rende compte de la cuisine congolaise. Cuisiner : une horreur que je ne supportais guère. Une obligation imparable quand on est célibataire .Un vrai calvaire auquel il fallait nécessairement s’adapter. Être utile à soi même surtout que maintenant je vivais seul. Je m’y appliquais doublement car elle était aussi avide de consommer cette cuisine exotique dont j’étais le représentant.
A chaque fois que j’avais besoin d’un ustensile, elle me le tendait ou encore son index pointait le lieu où je pouvais le trouver. Accoudée à l’embrasure de la porte, son regard laissait transparaitre un sourire plein de sarcasme. Elle se moquait de moi. Son visage assez explicite ne savait dissimuler cette raillerie qu’elle voulait discrète. Quand nos regards pouvaient se croiser, le mien était rempli d’indulgence, d’ailleurs je l’incitais à plus se divertir qu’à se contenir. L’instant était suave et unique, nous profitions d’un dialogue muet d’yeux, des clins d’œil, des sourires complices et muets. L’apothéose d’un sentiment partagé. De la vapeur s’élevait de différentes casseroles que j’utilisais. Contrairement à la fumerolle et la mofette d’avant  volcan, ces trainées de fumée encensaient, malgré nos maigres talents, le lieu de leur saveur affriolante.

Dans cet espace étroit où je me tenais, entre deux colonnes de placards, j’étouffais presque et aussi suant. De temps en temps un ras le bol saturait mon esprit ; seuls les yeux verts d’Irina et son air badin apaisaient mon embarras. Drapé de ce tablier où j’essuyais à maintes reprises mes mains, je me laissais prendre par les gestes de cette responsabilité assumée : cuisiner.

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